Des rapports de l’état qui montrent des manquements des carriers
L’urgence de stopper l’extension des gravières en Ariège : constats et luttes
« Les alluvions de la plaine de l’Ariège et de l’Hers Vif constituent des gisements préférentiels de sables et de graviers largement exploités […] La présence de ces gravières dans un secteur où la surface piézométrique de la nappe alluviale est proche de la surface topographique génère le développement de plans d’eau dont la surface correspond à celle de la nappe. » Bureau de Recherches Géologiques et Minières, (BRGM) 2013
Autrement dit, la nappe alluviale se trouve près de la surface et remplit aussitôt les trous laissés par les pelleteuses.
Suite aux constats alarmants sur l’état de la nappe phréatique, les associations de protection de la nature se mobilisent depuis plus de 15 ans. Depuis 2020, les actions s’amplifient et se diversifient. Des actions d’envergure comme Au Fil de l’Eau (2023), la Gravière s’Amuse (2023), la Gravière est une Ordure (2024) mettent le focus sur un des problèmes environnementaux les plus préoccupants de la région.
Des rapports de l’état qui montrent des manquements des carriers
Il a fallu passer par la Commission d’Accès aux Documents Administratifs, CADA, pour obtenir les derniers rapports de contrôles sur les gravières des services de la préfecture. Nous avons également recherché tous les contrôles effectués en 2022, 2023 et 2024*. Le résultat : Il y a matière à réagir !
Suite à ces contrôles, la préfecture a mis en demeure les entreprises Malet et Denjean de se mettre en conformité, les procédures administratives et de contrôle à l’arrivée des camions de déchets du BTP n’étant pas appliquées. Des contrôles de visu font état de la présence de déchets non conformes, déjà observés par les associations (déchets bitumeux, pneus, plastiques, polystyrène…). Il y a donc un risque de pollution des sols et de l’eau.
Des risques avérés de pollution de l’eau et des sols !
Depuis près de 10 ans, les exploitants stockent et enfouissent des déchets du BTP. Pour ne parler que de l’aluminium, les dernières analyses, dans les gravières Denjean, montrent la présence d’aluminium dans les lacs no. 1, 2 et 3 avec dépassement de la limite admissible pour le dernier. Chez Malet c’est plus simple : On ne se préoccupe carrément pas du dosage de ce métal ! La société CMGO (Carrières et Matériaux du Grand Ouest) est en conformité.
Des analyses de APRA le Chabot (Association de Protection des Rivières Ariégeoises) – et du CEA (Comité Écologique Ariégeois), réalisées en 2016, 2017, 2018 et 2019* par un laboratoire agréé, montrent la présence d’aluminium (dans un cas avec un taux trois fois supérieur à la norme de potabilité, à l’aval des gravières). Or, l’aluminium ne fait pas partie du ‘bruit de fond’ local. Ce taux très élevé n’a néanmoins rien d’étonnant : De nombreuses publications scientifiques et institutionnelles démontrent que le processus de lixiviation du béton dans l’eau, qui est accéléré en présence de nitrates, conduit à la formation d’aluminium (nota : en 2024, le taux moyen de nitrates dans la nappe phréatique de l’Ariège est supérieur à la norme de potabilité de 50 mg/l).
Une politique productiviste d’un autre temps construite sur le gravier de notre vallée
Les graves alluvionnaires de l’Ariège sont surexploitées et enrichissent les multinationales du BTP ainsi que quelques exploitants agricoles qui vendent leurs terres au détriment d’une vallée entière qui voit les puits s’assécher, les ruisseaux disparaître, les sols assoiffés et le paysage se modifier durablement. La prise de conscience concernant la pollution provoquée par cette activité n’est pas encore très développée parmi les riverains.
Dans les zones de stockage des graves, nous constatons une accumulation. Extrait-on plus que ce dont on a besoin ? A quoi servent ces granulats de très grande qualité et dont le volume dépasse largement les besoins ariégeois ? Eh bien, les entreprises du BTP sur fond de l’état réparent les routes et les autoroutes pour faire passer des camions de plus en plus lourds*, continuent à bétonner les abords des villes et à construire des autoroutes en doublement de voies de circulation déjà bien aménagées, de lignes grande vitesse chères et superflues et autres grands travaux inutiles qui draineront les fonds qui manqueront cruellement pour maintenir et restaurer un réseau ferroviaire à la hauteur des besoins. Citons : Port-la-Nouvelle dans l’Aude, la LGV entre Bordeaux et Toulouse , projets pharaoniques et gloutons en gravier, l’A69, etc.
Ce n’est pas la recherche du bien commun qui les fait naître mais celle du profit pour quelques multinationales, le tout cautionné voir imposé par l’État et décoré de l’étiquette ‘d’intérêt public majeur‘. Un nouveau coup porté à l’intérêt général est d’ailleurs le projet de loi sur la simplification de la vie économique.
Cette politique insensée est contestée par une grande partie de la société, notamment des jeunes qui aujourd’hui mettent en jeu leur intégrité physique pour sauver des écosystèmes dont nous toutes et tous avons besoin.
La biodiversité s’effondre, le climat change… ! Le droit environnemental recule !
Le Chabot, le CEA et la – FNE-OP (Fédération Nationale de l’Environnement Occitanie Pyrénées) ont déposé un recours en annulation contre le Schéma Régional des Carrières d’Occitanie (SRCO) le 3 septembre 2024. Les déchets déposés dans les gravières pour les combler qui se retrouvent donc dans la nappe alluviale ne sont pas inertes et polluent durablement l’eau par de l’aluminium, des métaux lourds, des dérivés du pétrole…
L’extension des gravières provoque la baisse du niveau de la nappe et des modifications dans son écoulement. Le SRCO, dans sa version actuelle, ne permet pas de répondre à l’urgence climatique et environnementale pour assurer un avenir souhaitable et durable. Il n’est pas en adéquation avec la loi sur la transition écologique, loi qui s’impose à nous sous peine de condamner les générations futures à vivre dans un monde ou l’irréparabilité a été atteinte.
L’enjeu est départemental – en effet la nappe phréatique de l’Ariège est dramatiquement en danger – mais il est aussi national. La reprise du nucléaire et autres grands projets autoroutiers laissent penser que l’extractivisme va connaître une recrudescence malgré la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
Malheureusement, nous ne gagnons pas toujours nos procès. Les démarches juridiques sont complexes, les tribunaux engorgés, les atteintes à l’environnement décomplexées… Ainsi, les associations viennent de perdre après une procédure de 15 ans au Conseil d’État leur procès contre l’arrêté d’extension de 150 ha d’une carrière de Denjean de 2009, à Saverdun. Malgré le soutien du rapporteur public de belles terres agricoles chèrement vendues se déjà transformées en trous béants.
Mais nous ne baissons pas les bras. Les luttes se diversifient et convergent pour proposer une « gestion » du monde plus respectueuse de la nature et de l’humain.
Faute d’étude d’impacts et de contrôles approfondis, il apparait nécessaire de créer un réseau de suivi quantitatif et qualitatif plus dense pour évaluer l’impact des gravières actuelles et ainsi prévoir la catastrophe à venir… Remettre à plat les besoins et les utilisations des granulats ainsi que l’aménagement du territoire.
Pour cela, nous demandons un moratoire sur tout nouveau projet d’extraction en Ariège. L’arrêt immédiat de l’enfouissement des déchets. L’adaptation de l’industrie au défi environnemental de notre planète doit être planifiée et accompagnée.
Le collectif Stop Gravières*
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* Site Géorisque-IDSI
* Analyses Chabot : aval de l’exploitation, les taux d’AL mg/l dissous explosent, en particulier sur le puits de La Bathale où le taux est de 0, 565 en 2018, soit presque trois fois supérieur à la norme de potabilité pour la consommation humaine fixée à 200 μg/l, soit 0,2 mg/l (seuil fixé par l’OMS). Analyses carriers et Etat : 2010 à 2018 inclus, les analyses d’eau de la nappe faites sur ce secteur de Basse Ariège à l’aval des sites d’enfouissement, ont fait ressortir pour 5 années (2010, 2014, 2016, 2017 et 2018) de l’eau impropre à la consommation. Aluminium, Hydrocarbures, fer, cuivre, pollution bactériologique
* Accumuler du béton, tracer des routes – Nelo Magalhaes
* Le collectif Stop Gravières réunit l’Apra le Chabot, Aprova, le CEA, La confédération paysanne 09, Eau Secours 31, la Ligue des Droits de l’Humain 09 et XR Ariège, les amis·es des soulèvements de la terre de l’Arac