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vendredi 5 juin 2020
Les députés redécouvrent les bienfaits de l’Eau et les catastrophes issues de sa raréfaction
LA MISSION D’INFORMATION sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau
LA MISSION D’INFORMATION de l’Assemblée Nationale sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau nous dote, dans ce rapport, d’un réquisitoire documenté et pressant pour alerter sur des déficits futurs d’eau et sur les moyens de protéger notre ressource.
A lire avec délectation !
Nos associations locales environnementales, CEA et Chabot en premières lignes, voient dans ces préconisations un écho officiel à leurs actions et revendications en faveur de l’eau dans notre département. Nous pensons à la privatisation de l’eau de source Pédourès à Mérens, à la nouvelle cartographie "maligne" des cours d’eau pour effacer le "chevelu" (les tous petits cours d’eau après les sources), à la pollution des nappes phréatiques dans les gravières de Saverdun (Denjean, Mallet, BGO - Bétons Granulats Occitans), l’impact des pollutions chimiques agro-industrielles dans les sols puis dans les nappes, etc...
Lisez la présentation en forme de préface du député (FI) Loïc Prud’homme pour avoir une bonne idée de ce rapport. Ci-contre.
Ainsi que celle de la rapporteure Frédérique Tuffnell (LREM). Ci-contre.
RECOMMANDATIONS FINALES DE LA MISSION D’INFORMATION
Page 137 :
La connaissance de la ressource en eau, de ses usages et de ses évolutions est un prérequis à une bonne gestion de l’eau au niveau local et à la régulation des conflits d’usage : pour bien partager la ressource, il est nécessaire de bien la compter, ce qui passe tant par le renforcement des outils et indicateurs de mesure et de prospective publics que par un élargissement de l’accès aux données détenues par les personnes privées. C’est pourquoi la mission d’information recommande :
– d’étendre le réseau piézométrique national à 2 000 points à l’horizon 2024, contre 1 600 aujourd’hui, tout en renforçant le budget qui lui est octroyé ;
– d’abroger l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants afin de revenir à la définition – et donc à l’identification – des points d’eau qui prévalait antérieurement ;
– de réactualiser en 2020-2021 le projet Explore 2070 qui étudie l’impact des changements climatiques sur la ressource et les réserves d’eau ;
– de faire évoluer l’indicateur utilisé pour les seuils d’alerte qui déclenchent les mesures de restriction des prélèvements d’eau, en faisant varier mensuellement l’indicateur QMNA [1] pour tenir compte des évolutions de la ressource selon les saisons, en systématisant le recours aux observations du réseau ONDE [2].dans les départements où il est déployé et en prenant en compte les résultats de ces observations comme paramètres pour la définition des seuils d’alerte ;
– que les acteurs privés prélevant de l’eau fournissent des données mensuelles, et non plus annuelles, sur leurs prélèvements, afin de permettre un suivi saisonnier de la ressource en eau et qu’en période de pénurie, le suivi régulier de ces prélèvements soit renforcé, par exemple par des relevés hebdomadaires, afin d’anticiper l’évolution locale des ressources tout en consolidant le contrôle des mesures de restriction ;
– de rendre obligatoire la transmission à la commission locale de l’eau (CLE), à la demande de cette dernière, des données sur l’état de la ressource et des réserves d’eau détenues par des personnes privées prélevant sur le territoire d’un SAGE [3] ;
– que les dispositifs de captation domestique, les futurs ouvrages comme les installations plus anciennes, fassent l’objet d’une déclaration obligatoire, et de sanctions si cette formalité n’est pas respectée.
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Lorsque la ressource en eau, particulièrement en eau potable, devient localement insuffisante pour répondre à l’ensemble des besoins, se pose la question de son partage. Or la raréfaction de la ressource va s’intensifier du fait des changements climatiques, ce qui exacerbera et augmentera le nombre de conflits d’usage. D’ores et déjà, lorsqu’une tension sur la ressource apparaît, il est nécessaire d’organiser, à temps, une nouvelle répartition de l’eau qui préserve la satisfaction des besoins absolument prioritaires (protection de la santé et de l’alimentation humaines, survie des milieux naturels et sécurité incendie). La conciliation des autres usages passe alors par une répartition des indispensables restrictions qui garantisse l’égalité de tous devant l’effort collectif, en veillant aux cohérences territoriales au sein d’un même sous-bassin, et par la mise en œuvre des contrôles et sanctions nécessaires au respect de ce partage. C’est pourquoi la mission d’information recommande :
– de systématiser le déclenchement des mesures de restriction au franchissement des seuils d’alerte et d’harmoniser les données prises pour référence au sein d’un même sous-bassin ;
– de traiter à égalité avec les autres besoins en eau l’intérêt des milieux aquatiques, tout en s’assurant de l’existence d’une solidarité entre tous les usagers du sous-bassin, même symbolique ;
– d’objectiver les dérogations aux restrictions d’usage qui sont accordées, notamment par l’identification de situations types définies explicitement au niveau des arrêtés-cadres, et de les rendre publiques ;
– de renforcer la coordination entre départements d’un même sous-bassin versant, s’agissant à la fois du déclenchement des mesures de restriction, de la définition des mesures adaptées au territoire, de l’harmonisation des dérogations et des contrôles réalisés ;
– de poursuivre la consultation régulière des comités sécheresse créés dans les départements qui ont été touchés par la sécheresse de 2019 afin de réfléchir à l’accompagnement des prochaines crises et de généraliser leur instauration dans les autres départements afin d’améliorer la concertation dans la gestion des épisodes de crise ;
– de délictualiser la récidive en cas de non-respect des mesures de restriction d’eau en période de sécheresse, qui serait alors sanctionnée d’une amende d’un montant de 15 000 euros ;
– de renforcer les moyens humains affectés aux services en charge de la police de l’eau et de mieux associer les magistrats du parquet aux mesures liées à la sécheresse et aux usages de l’eau.
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Toutefois, pour faire face à l’urgence climatique, il n’est plus possible de se contenter de mesures d’urgence, prises quand la situation est déjà dégradée. Il faut que tous les acteurs aient pris la mesure de l’impact des changements climatiques sur la ressource en eau et des changements de pratiques nécessaires dans les usages de l’eau C’est pourquoi, la mission d’information recommande :
– de suivre avec attention les résultats du groupe de travail visant à identifier les freins au développement des différentes pratiques de réutilisation des eaux non conventionnelles, tout en rappelant que les outils techniques visant à développer l’offre d’eau ne peuvent venir qu’en complément de solutions fondées sur la nature et d’une démarche consistant à faire évoluer les usages pour les adapter à la disponibilité de la ressource ;
– de renforcer, notamment dans le cadre de paiements pour services environnementaux, le recours aux solutions fondées sur la nature et d’inciter les communes et intercommunalités à désimperméabiliser leurs territoires, afin de se rapprocher du cycle naturel de l’eau et ainsi favoriser la recharge des nappes souterraines et l’alimentation des cours d’eau ;
– de rendre obligatoire une tarification incitative à la réduction de la consommation d’eau, s’agissant tant des redevances sur les prélèvements sur la ressource en eau collectées les agences de l’eau que de la facturation de la consommation d’eau potable des usagers. Pour cette dernière, la mission recommande de mettre en place un barème progressif en fonction du nombre de litres d’eau consommés, rendant ainsi obligatoire la fixation d’une part du prix calculée sur la consommation réelle d’eau et supprimant la possibilité d’instaurer des tarifs dégressifs en dehors des ZRE ;
– d’abandonner le système de mise en concurrence des barrages hydroélectriques, qui pourrait être remplacé par un système proche de la régie, permettant d’octroyer sans mise en concurrence des concessions à une structure publique dédiée. Une telle mesure serait justifiée par le caractère de bien commun de ces réserves stratégiques et par la nécessité de leur bonne gestion, sans discontinuité sur le territoire ;
– de déployer une information du grand public plus explicative et responsabilisante sur les enjeux de l’eau et les mesures de restriction prises en période de pénurie afin d’encourager la sobriété des usages.
Au regard des coûts qu’entraîne la remise en cause des pratiques professionnelles les plus consommatrices d’eau en période d’étiage, la mission d’information recommande également un renforcement de l’accompagnement financier des acteurs, notamment par :
– la création d’un fonds de paiement pour services environnementaux (FPSE), doté d’un budget total d’un milliard d’euros sur la période 2021/2025, dont la gestion serait assurée par bassin par les agences de l’eau. Ce fonds, qui pourrait notamment contribuer au financement de plans d’alimentation territoriaux, serait financé par l’affectation de l’intégralité du surplus des taxes affectées aux agences de l’eau, aujourd’hui reversé au budget général de l’État (mécanisme dit du « plafond mordant ») et qui s’élevait, en 2019, à 45 millions d’euros, par une
augmentation des redevances des agences de l’eau à hauteur de 200 millions d’euros par an, ainsi que par d’autres financements, provenant d’entreprises ou de collectivités.
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L’urgence de faire face aux problèmes d’eau que posent et aggraveront les changements climatiques nécessite une mobilisation de tous les acteurs du territoire
dans une démarche ambitieuse par sa portée, ses objectifs et ses actions. Cette démarche volontaire doit aboutir à la construction d’un compromis global autour de solutions collectivement partagées, adaptées à chaque territoire et associant citoyens et acteurs de l’eau. C’est pourquoi, s’agissant de la gouvernance de l’eau, la mission d’information recommande :
– de faciliter l’appropriation des documents techniques (qui fondent ou explicitent les diagnostics, plans et programmes d’action en discussion) dans les différentes instances locales de gouvernance (commissions locales de l’eau, comités sécheresse, instances de concertation des PTGE, comités de bassin) et d’instaurer un délai minimum de 15 jours de communication préalable de ces documents à l’ensemble des membres ;
– de s’assurer d’une composition et d’un fonctionnement des comités sécheresse ainsi que des instances locales de gouvernance qui garantissent l’expression équilibrée des différentes parties prenantes à l’usage des eaux ;
– de confier aux services de l’État, ou à défaut à la CNDP [4], un rôle actif de médiateur dans l’animation des instances locales de gouvernance de la régulation de l’eau et d’octroyer aux services déconcentrés du ministère chargé de l’environnement, dans les instances locales de concertation, un droit d’opposition qui rendrait effective leur position de garant de l’intérêt commun ;
– que les PTGE ou les PGRE [5] soient mis en place partout où des tensions sur la ressource en eau émergent, en les intégrant au SAGE quand il existe, afin de leur donner une portée réglementaire et que ceux existants soient rendus parfaitement cohérents avec les SAGE déjà adoptés ;
– à plus long terme, de rendre obligatoire la déclinaison en SAGE des SDAGE [6] 2027-2032 sur tout le territoire national, en prenant soin d’identifier les structures qui pourraient conduire la démarche, tout en laissant aux parties prenantes leur autonomie pour définir les objectifs et les actions localement nécessaires.
Et pendant ce temps, nos édiles Ariégeois s’empressent de vendre l’eau naturelle et sauvage des sources de Pédourès à l’industrie d’embouteillage d’eau en plastique. Le chantier est en cours, autour de la rivière Ariège et sans étude préalable du milieu ! Merci les services de la Préfecture...
Voir notre article précédent ICI
Voir en ligne : Tout le rapport
[1] Le QMNA, débit (Q) mensuel (M) minimal (N) de chaque année civile (A), est la valeur du débit mensuel d’étiage atteint par un cours d’eau pour une année donnée
[2] Le site Onde présente les données de l’observatoire national des étiages. Ces données sont les observations visuelles réalisées par les agents départementaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) pendant la période estivale sur l’écoulement des cours d’eau
[3] schéma d’aménagement et de gestion des eaux. Le SAGE est élaboré par une Commission locale de l’eau (CLE) qui comprend des représentants de l’État (25 %), des collectivités locales (50 %) et des usagers (25 %). Parmi les usagers, on peut trouver des associations de consommateurs, et/ou de protection de l’environnement, et/ou de riverains, etc.
[4] Commission nationale du débat public
[5] projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) ; Plans de Gestion de la Ressource en eau (PGRE)
[6] schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)