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samedi 3 août 2019
Un projet impactant pour l’environnement
Projet de route forestière en forêt de Corret.
Proche du Site Classé de Montségur
Dans la commune de Fougax et Barrineuf, la forêt de Corret est menacée par la création d’une route forestière de 5km et de son réseau complexe de pistes afin d’exploiter plus de 175 ha pendant une durée de 15 ans. C’est le Groupement forestier du Reclot qui en est propriétaire tandis que monsieur Alain Barbe les représente dans le dossier de demande (Plan Simple de Gestion : PSG).
Pourquoi nous intéresser à ce dossier ? Par sa démesure dans l’espace et dans le temps, il va impacter beaucoup d’éléments naturels sur plusieurs générations...
Et surtout, qu’un exemple récent nous incite à la plus grande méfiance : c’est ce même gros exploitant forestier qui, dans les années 80, a acheté la montagne de La Frau, l’a transformée, avec l’assentiment des administrations, en une Réserve Naturelle Volontaire où toute pénétration est interdite mais où pelles mécaniques, tronçonneuses et routes à camions sont autorisés !
Et cela se reproduit en forêt de Corret, à deux pas de La Frau.
Dans le projet qui nous concerne, plus de 4ha de forêt sont quand même situés dans le Site Classé de Montségur. Nous regrettons l’absence d’étude d’impact et l ’atteinte au Paysage perçu depuis le Site Classé pratiquement vierge de routes forestières. Nous avons dénoncé cette remise en question du classement basé sur des critères paysagers aux Ministères concernés.
Par ailleurs, l’ intégralité de la forêt est à l’intérieur d’une zone classée Natura 2000 dans le cadre de la directive "oiseaux".
Sans compter qu’elle est aussi intégrée dans deux zones ZNIEFF [1]. types1 et 2.
Et pour couronner le tout, 42 ha de cette forêt pentue est classée en "forêt de protection" pour éviter une érosion des sols argileux instables et protéger ainsi, par la présence des arbres, la commune de Fougax et Barrineuf.
Le CEA est inquiet par les enjeux environnementaux que le projet risque de mettre à mal si des précautions ne sont pas prises.
Nous sommes probablement en présence d’îlots de très gros sapins matures ou sénescents, voire de vieille forêt pyrénéenne, (protocole de JM Savoie et Al., 2015) permettant l’existence d’une biodiversité liée au bois mort et aux stades âgés de la forêt pour laquelle nous ne voyons aucune liste d’espèces citée. Des inventaires de cortèges taxonomiques spécifiques liés à ces stades âgés (lichens, mousses, coléoptères saproxyliques, syrphidées, etc) devraient permettre de faire apparaître des espèces protégées, remarquables ou (et) rares.
Or les espèces citées page 19 sont tirées de la base de données de l’ANA pour la commune, sans que soit étudiée la spécificité de cette forêt. Les inventaires sont donc inexistants.
Les chandelles, préservées en priorité pour l’habitat du Pic noir, sont des supports pour ces espèces. Toutefois, le plan simple de gestion laisse supposer le maintien d’1 à 2 arbres morts à l’hectare (page 16), ratio largement insuffisant pour la majorité des espèces rares ou menacées qui pourraient y être localisées grâce à des inventaires.
Or il n’y en a aucun ni effectué ni prévu. L’administration peut-elle se contenter de propos lénifiants ? Ou doit-elle exiger des études taxonomique et écologique plus véridiques et indépendantes ? Ceci est notre point de vue.
Le peuplement arboricole est, semble-t-il, constitué de SAPIN, EPICEA, MELEZE, DOUGLAS, quelques CHÂTAIGNIERS. Mais à l’abandon depuis très longtemps ce qui devrait apparenter le secteur en "vieille forêt" comme dit précédemment.
Que propose le PSG [2] pour investir cette forêt ?
« Afin de desservir ce massif forestier de façon pérenne une route à camion doit être réalisée. Il existe deux sorties possibles :
• Un passage par Montségur : Une route communale arrive en partie haute du massif. Seulement, un pont limite ne permet aux camions à circuler sur cette route communale.
• Une route venant de Fougax mène jusqu’en partie basse de la forêt. Seulement la distance de débardage et les difficultés d’exploitations font que cela ne constitue pas une solution pérenne.
C’est pourquoi, le projet le plus économiquement réalisable consisterait à prolonger la route communale de Fougax pour desservir ce massif forestier.
La création d’une route à camion d’environ 4 km ainsi qu’un réseau de pistes de débardage seront nécessaires pour desservir ce massif de façon pérenne. »
Le CEA dénonce de façon générale, non pas la façon d’exploiter la forêt, mais ce type de desserte dite par route à camions. Il rend les derniers massifs, non exploités jusqu’alors à cause de leur accès difficile, pénétrables définitivement par des camions grumiers de plusieurs dizaines de tonnes qui n’ont rien à faire là. Ces derniers endroits devenus rares sont en passe d’êtres touchés par un système pervers de subventionnement public qui seul permet une rentabilité factice ! Avec eux disparaissent des paysages naturels, des espaces refuges pour la faune, des milieux tranquilles.
Nous dénonçons également le détournement de la fonction de protection de la forêt de Fougax. Nous rappelons que dans ce contexte de forêt de Protection, « la loi interdit tout changement d’affectation de la forêt » et que « les conditions de gestion de celle-ci doivent rester dans le cadre des motivations qui ont conduit au Classement (lutte contre l’érosion) ». L’article 412-14 en particulier interdit dans ce type de terrain « toute fouille, extraction, emprise d’infrastructure, exhaussement de sol... » Que penser alors de talus d’au moins 4m (en haut et en bas) exigés par le passage d’une route sur plusieurs kilomètres en travers d’une pente de 30° ? Ce même article précise que « des équipements de mise en valeur de la forêt sont autorisés sous réserve de ne pas modifier fondamentalement la destination des terrains ». Si l’on considère la route forestière comme ce type d’équipement, nous jugeons que c’est lui qui favorise le risque de déstabilisation des sols de cette forêt classée justement pour limiter l’érosion des terrains.
Nous attirons également l’attention sur l’atteinte au paysage perçu depuis le Site Classé de Montségur ainsi que l’absence complète d’étude d’impact et d’étude environnementale dans le dossier du projet qui fait pourtant l’objet de plusieurs classements effectifs et en cours : Site Classé, Natura 2000, ZNIEFF de types 1 et 2, Forêt de Protection et, en cours de réalisation si aucune dégradation du secteur n’est dénoncée d’ici là : Opération Grand Site, inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, Pays Cathare... etc.
Dans ces conditions, nous demandons à Mme la Préfète, dans un premier temps (tout comme le CRPF - [3] Occitanie l’exige), une révision du dossier actuel tenant compte des divers classements du secteur.
Dans un deuxième temps, et pour ce qui concerne en particulier la réalisation de la route décrite à tort comme nécessaire à la gestion de la forêt, nous lui demandons de nous informer de sa décision auprès des administrations concernées.
Pour ce qui est du seul volet -route forestière-, compte tenu de toutes nos réserves quant à la perturbation de ce milieu, nous insistons sur la différence de pratique de débardage entre la piste à tracteur ou à chenillette, pratiquée traditionnellement depuis toujours dans cette forêt avec un impact limité et la route à camions qui défigure définitivement le massif et ne se justifie pour les pétitionnaires que par l’opportunité d’un subventionnement (coût estimé à 400 000€).
La technique du câble, solution moins pérenne mais respectueuse du milieu, est aussi parfaitement adaptée au versant pentu du massif .
Contrairement à ce qu’écrit de nous "préventivement" monsieur Barbe dans le dossier, une fois de plus nous ne nous opposons nullement à l’exploitation des forêts, mais au schéma pervers de desserte qui banalise nos derniers massifs intacts.
Et nous aimerions soumettre à l’attention de nos adhérents et lecteurs de nos articles, la conclusion de Mr Barbe :
« En considérant la notion de la propriété privée, comme précisé dans le début du rapport, les tensions se font de plus en plus sentir à cause d’une minorité de gens qui nuisent à l’exploitation des forêts en s’opposant quasi systématiquement à des projets. Il serait alors dommage et préjudiciable de restreindre ou interdire l’accès de certaines propriétés privées à cause d’une minorité de gens qui divulguent et dramatisent de mauvaises informations. »
Mr Barbe, sachant que son projet n’est pas écologiquement bien cerné, commence fébrilement dans son dossier une contre-attaque avant que personne ne connaisse son projet et n’ait d’éléments pour réagir... Et la minorité dont il parle n’est qu’une argutie de langage faite pour entraîner l’administration dans son "camp" qui serait celui de la majorité des citoyens... En êtes-vous bien sûr Mr Barbe ?
Nous non ! Il suffirait de faire des enquêtes officielles sur ce sujet comme l’a fait l’Académie d’Agriculture de France sur son site :
Les principaux bénéfices (en %) que les Français pensent retirer des forêts. 7 bénéfices étaient proposés aux personnes interrogées qui devaient en choisir au maximum 3. Les réponses se classent dans l’ordre suivant :
1) absorber le CO2 pour contrer le changement climatique ; 74%
2) héberger la biodiversité ; 61%
3) protéger contre les inondations et les avalanches ; 49%
4) fournir une énergie renouvelable ; 29%
5) produire du bois pour la construction et l’ameublement, et le papier ; 25%
6) fournir un cadre sain pour les loisirs ; 15%
7) contribuer à l’emploi et au développement rural ; 15%
La taille des images est proportionnelle au score obtenu ci-dessus.
[1] ZNIEFFest le sigle qui désigne en France une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique
[2] Plan simple de gestion
[3] Centre régional de la propriété forestière - Les missions du CRPF : orienter et développer la gestion des bois, forêts et terrains à boiser des propriétaires privés de la région.